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02/2022

Une génération engagée : discussion avec quatre jeunes activistes autour de l’entreprise du futur

Par
Kiminta

Sommaire

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Trouver un métier qui a du sens, intégrer une entreprise en accord avec son engagement et ses valeurs…des préoccupations qui se manifestent de plus en plus fortement chez les jeunes en phase d’entrer dans le monde du travail. Ils s’appellent Brandy, Lauren, Sébastien et Yanis. Ils ont entre 20 et 24 ans, sont étudiants ou tout juste diplômés. Ils ne représentent pas l’ensemble des jeunes mais portent une large part de leurs revendications. Mieux encore, ils font partie de ceux qui accompagnent leurs idées d’actions concrètes et construisent activement le futur dont ils rêvent. 

Rencontre avec 4 jeunes activistes pour une discussion autour de l’engagement des entreprises et du monde du travail de demain.

Faisons connaissance : 4 jeunes multi-engagés 

« L’engagement ça a vraiment changé nos vies, ça a redonné un sens à nos vies. » - Lauren Lolo

Yanis Khames est étudiant en dernière année de Sciences Politiques, il est le fondateur de l’association Saint-Denis Ville au Cœur ayant pour but de créer une communauté engagée dans la ville de Saint-Denis, d’accompagner la création de projets à impacts sociétaux portés par les habitants et de favoriser les initiatives créatives partout sur le territoire. Saint-Denis Ville au Cœur est notamment connue pour avoir organisé la première marche des fiertés de banlieues populaires en 2019. 

Brandy Boloko est diplômé d’un master dans les affaires publiques à Sciences Po, conseiller municipal de la ville de Louvres et président de l’association Cité des Chances. Cette association propose aux lycéens de banlieues populaires de 5 départements un parcours citoyen (éloquence, simulation parlementaire, visites des institutions…) leur permettant de s’affirmer, de faire entendre leurs voix et de faire vivre la démocratie. 

Lauren Lolo est étudiante en Sciences Politiques, directrice générale et co-fondatrice de l’association Cité des Chances, élue à la ville de Fosses, déléguée à la citoyenneté et à l’environnement depuis mars 2020, lauréate de l’institut de l’engagement, mais aussi journaliste pour la fondation Mémoire de l’Esclavage.

Sébastien est diplômé d’une école d’ingénieur (Centrale Lille). Il est membre actif du collectif d’étudiants et de jeunes diplômés Pour un Réveil Écologique né d’un manifeste du même nom signé il y a 2 ans par 30 000 personnes. Le collectif porte notamment un plaidoyer auprès des entreprises pour les pousser à s’engager davantage et plus vite face à l’urgence climatique. De très nombreux outils pédagogiques sont à retrouver sur leur site (Guides, Grilles d’analyses, MOOC, cartographies, baromètres…).

L’entreprise engagée attire les jeunes  

Une entreprise qui prend des engagements RSE 🤝🏼

« Aujourd'hui je ne pense pas qu'il y ait d'entreprise qui soit 100% clean. Je n'attends pas la perfection, j'attends juste que l'entreprise fasse des efforts, fasse son possible pour toujours s'améliorer. » - Brandy Boloko 

Dans une étude menée en janvier 2020 par le Boston Consulting Group et l’institut IPSOS auprès d’étudiants et alumnis de grandes écoles, seulement 22% des jeunes interrogés considèrent que les grandes entreprises ont un engagement RSE réel et solide. Cependant, 86% d’entre eux perçoivent les grandes entreprises comme ayant le pouvoir d’avoir un impact fort sur l’environnement et la société. Pour Sébastien (Pour un Réveil Ecologique) « Il y a des entreprises qui ont énormément de choses à se reprocher et qui doivent changer, mais ce sont aussi des entreprises qui sont gigantesques, qui ont des fonds, des CAPEX, absolument incroyables et qui sont capables, si elles les veulent vraiment, si leurs investisseurs leur permettaient, s’ils elles ont le courage politique, de faire énormément de choses ». 

Conscients du pouvoir et du potentiel d’action de certaines entreprises sur nos sociétés, les jeunes candidats ne vont pas nécessairement les exclure mais être attentifs à ce qui y est mis en place. « Je regarde par exemple ce qu’ils font en termes de lobbying, est-ce qu’ils ont un lobbying qui est tout sauf éthique, uniquement centré sur le profit, ou est-ce qu’ils s’activent pour améliorer leur secteur ? Je regarde aussi s’ils ont éventuellement signé des chartes » nous explique Lauren Lolo (Cité des Chances). Pour Sébastien (Pour un Réveil Ecologique) : « même si ce sont des actions à la marge, ce qui est intéressant c’est de se dire : est-ce qu’il y a une volonté de développer ces actions pour en faire quelque chose de beaucoup plus grand ? »

Une culture d’entreprise forte, des valeurs pleinement assumées  💪🏼

92% des 15-25 ans interrogés en 2019 lors d’une étude menée par Jam Trends déclaraient vouloir travailler pour une entreprise en accord avec leurs valeurs. En effet, la culture d’une entreprise, ce qu’elle dégage, ce qu’elle inspire et ce qui est partagé par l’ensemble de ses collaborateurs n’est pas accessoire pour une immense majorité des jeunes candidats. C’est ce que nous explique Brandy Boloko (Cité des Chances) « Je travaille dans les affaires publiques. je vais probablement me retrouver dans une situation où je dois promouvoir les intérêts de l'entreprise ou de l'organisme que je défends. Je regarde donc nécessairement en quoi cette entreprise est en cohérence avec la personne que je suis, avec mes valeurs ». De son côté, Lauren Lolo (Cité des Chances) insiste sur l’importance d’une entreprise qui valorise la diversité et travaille concrètement à plus d’inclusivité « avant de candidater je regarde aussi s’il y a des femmes, s’il y a des gens qui me ressemblent. Je regarde s’il y a des personnes qui ont un handicap par exemple, s’il y a des personnes qui portent le foulard…Je serais plus attirée par ce type d’entreprise ». 

Des salariés concrètement impliqués dans la gouvernance et la stratégie RSE 📣

« Une entreprise qui n’inclut pas les salariés dans les prises de décisions, dans la vie du groupe, dans son orientation…c’est le pire » - Yanis Khames

« Horizontalité », « démocratie », « partage »… pour les jeunes candidats, être intégré dans une entreprise c’est être impliqué dans sa stratégie (étude Jam Trends, 2019). Sébastien nous l’explique, l’un des combats du collectif Pour un Réveil Écologique est de faire en sorte « que les employés puissent davantage discuter avec la direction sur la stratégie écologique de l’entreprise. Qu’ils soient des parties prenantes réelles et que la stratégie RSE ne soit pas juste faite par des consultants extérieurs à l’entreprise. Que l’on intègre tous les employés que ce soit en bas ou en haut de l’échelle à la stratégie écologique ». Une demande très forte chez 93% des étudiants qui se déclarent prêts à s’impliquer dans le plan d’actions sociales et environnementales mis en place par leur future entreprise (BCG, IPSOS, 2020).

Halte au greenwashing ⛔

« L’entreprise de demain pour moi, elle est sincèrement engagée » - Lauren Lolo

En 2019, seuls 41% des “millenials” (18-34 ans) déclaraient faire confiance aux employeurs qui affirment prendre des engagements sociaux et environnementaux (institut de sondage Viavoice). Un manque de confiance fortement lié aux procédés marketing de greenwashing pratiqué par certaines entreprises : « aujourd’hui énormément d’entreprises se disent engagées sur des trajectoires favorables au climat … Malheureusement il y a beaucoup de greenwashing » constate Sébastien (Pour un Réveil Ecologique). Les jeunes entrant sur le marché de l’emploi sont conscients de l’existence de ces techniques de communication et n’y sont pas, ou très peu, réceptifs. Cependant, pour Sébastien, le greenwashing devient de plus en plus complexe à déceler : « le greenwashing ne se base pas sur rien et là est toute la difficulté. Il se base sur des réalités d’engagement mais va produire une communication abusive qui occulte plein d’aspects et parle de solution miracle. ». Pour un Réveil Ecologique propose d’ailleurs un guide anti-greenwashing pour apprendre à le décrypter.

Aller plus loin : une génération en demande d’évolutions ambitieuses pour l’entreprise du futur.

Questionner le rôle de l’entreprise 🤔

« S’enrichir pour s’enrichir ce n’est pas un objectif, ce n’est pas       viable. » – Lauren Lolo

Quelle est la finalité de l’entreprise ? Pour 64% des étudiants interrogés par le Boston Consulting Group (2020) la question de l’utilité sociale et environnementale est primordiale dans leur choix de métier. « J’attends que l’entreprise soit d’intérêt général en fait. Je dois m’identifier au projet de l’entreprise » nous explique Yanis Khames (Saint-Denis Ville au Cœur).

Cette question autour du rôle des entreprises, pousse beaucoup de jeunes vers une réflexion plus avancée autour de notre modèle économique et de la question de la surproduction. Pour Yanis Khames : « ce n’est pas nécessaire de produire tout ce que l’on produit aujourd’hui. Il faut que l’on sorte de ce paradigme, et que l’on parle en termes de ressources. Il faudrait que la consommation soit liée aux besoins et pas aussi foisonnante qu’aujourd’hui. Les contraintes écologiques ne nous permettent pas aujourd’hui de raisonner avec les mauvais critères ». L’accumulation des richesses financières et matérielles apparaît alors comme une contradiction à l’urgence climatique actuelle.

Questionner la place du travail dans nos vies 🧐

« Aujourd’hui il n’y a qu'un seul travail qui est valorisé…L’enjeu de demain ce sera de changer ce rapport au travail » – Brandy Boloko

Selon l’étude menée par Jam Trends, 56% des 15-25 ans considèrent qu’ils abandonnent leur liberté, leur santé mentale ou encore leur créativité lorsqu’ils travaillent et 1/2 des jeunes ayant déjà travaillé se sont déjà sentis proche de faire un burn-out. Pour Sébastien (Pour un Réveil Écologique) : « on peut très bien imaginer travailler beaucoup moins que 5 jours par semaine ». 

Pourquoi alors ne pas penser le travail différemment ?  « L’associatif c’est un travail, le bénévolat c’est un travail, être papa, être maman, gérer une maison est-ce que ce n’est pas aussi du travail finalement ? Aujourd’hui ce n’est pas valorisé. » constate Brandy Boloko (Cité des Chances). Pour le jeune président d’association, il serait intéressant de réfléchir à des modèles qui permettraient aux citoyens de se libérer de l’entreprise et de choisir librement de travailler ou non pour elles : « le revenu universel par exemple, ou encore une entreprise qui permettrait à ses collaborateurs de consacrer 40% de leur temps de travail à une association ». 

Penser des modèles nouveaux 💡

« Pour moi l’entreprise de demain c’est une entreprise de l’ESS. Les autres…on les laisse en 2020 *rires* » - Lauren Lolo

7 jeunes sur 10 souhaitent travailler ou faire un stage dans le secteur de l’économie sociale et solidaire (IPSOS, BCG, 2020). Pour Yanis Khames (Saint-Denis Ville au Cœur) : « On peut trouver des modèles alternatifs, aujourd’hui de nombreux acteurs veulent faire ça. l’ESS se développe et l’idée c’est de mettre en avant d’autres formes de productions : locales (pour limiter les transports), gérées à échelle humaine, prenant en compte son impact sur la société et non pas la compétitivité etc… »

D’année en année le secteur de l’ESS prend de l’ampleur et trouve un écho fort dans les demandes des jeunes. 77% des jeunes diplômés se déclarent prêts à réduire leurs salaires pour aller travailler dans une entreprise en accord avec leurs valeurs sociales et environnementales (IPSOS, BCG, 2020).

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Produire autrement, travailler différemment… Pour Yanis, Brandy, Lauren, Sébastien et des milliers d’autres jeunes, penser l’entreprise du futur comme un outil vecteur de solidarité et d’initiatives sociales et environnementales n’est pas une utopie : c’est un objectif à atteindre. Des revendications qui commencent à trouver un écho dans de plus en plus d’entreprises qui se doivent de transformer et renouveler leurs modes d’actions pour pouvoir continuer d’attirer les nouvelles générations arrivant sur le marché de l’emploi ●


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